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Le désir de transmettre quelque chose à quelqu’un 

" Quelle trace je veux laisser ? celle d’un souvenir vivant ! " m’a confié un jour mon grand-père.

Il éprouvait très fort ce désir de transmettre quand de mon côté je me disais tout bas, il faut que je prenne des notes sinon c’est toute la partition qui va s’envoler. Ce sentiment réciproque s’est changé en aventure. J’ai retrouvé un vieux dictaphone. Le premier rendez-vous était pris. Et cela a duré plusieurs semaines, nous nous retrouvions souvent le dimanche après-midi. Lors de nos entretiens, qui démarraient par un café que ses mains âgées de quatre-vingt-neuf ans préparaient méticuleusement, je buvais ses paroles. Vivantes en effet, vitales même, elles poursuivent désormais leur chemin dans un précieux recueil que nous avons offert aux membres de la famille et aux amis qui le souhaitaient. Ainsi j’ai pris conscience de l’importance de la transmission. Elle fait le lien entre les générations. Les paroles lointaines aident ceux qui les reçoivent à vivre et à s’orienter. Leur transmission est un acte naturel et essentiel que j’ai désormais le souhait d’encourager. Alors si ce désir de transmettre vous anime depuis longtemps ou vous surprend un jour, je me tiens à l’écoute de votre histoire pour après la raconter dans un livre illustré par les photographies que vous aimez. Le temps oeuvrera à rassembler vos souvenirs et la confiance fera le reste. 

 

 

Au passé, présent, futur

Une histoire hassidique, reprise par Catherine Chalier dans son passionnant livre Transmettre de génération en génération, résume bien l’âme de la transmission. " On raconte que lorsque le Baal Chem Tov apprenait qu’un grand malheur était sur le point d’arriver, il partait dans la forêt. Dans un endroit qu’il connaissait, il allumait un grand feu et il disait une prière. Le monde était alors sauvé. Après lui son disciple faisait de même, mais il ne savait plus dire la prière, il se contentait donc d’aller dans la forêt, à l’endroit voulu, et d’allumer le feu. Le monde était encore sauvé. Après lui, son disciple se souvenait uniquement qu’il devait aller dans la forêt, il ne savait plus où exactement, il avait oublié comment allumer le feu et il ignorait les mots de la prière. Il se contentait donc de dire à Dieu qu’il savait qu’il avait oublié tout cela et il lui demandait, malgré tout, de sauver le monde. Et cela advenait. Après lui, son disciple ne savait plus où était la forêt, alors il se contentait de raconter l’histoire du Baal Chem Tov et il demandait à Dieu de sauver le monde parce qu’il se souvenait encore de l’histoire. Son propre disciple savait qu’il ne savait plus même raconter l’histoire mais, malgré tout, il demandait à Dieu de sauver le monde parce que, si quelqu’un lui racontait l’histoire, il savait qu’il comprendrait encore. Mais, après lui, son disciple savait bien qu’il était trop tard et qu’il ne comprendrait plus l’histoire si on la lui racontait, malgré tout il s’adressait encore à Dieu et il Lui disait : Sauve le monde parce qu’il reviendra un jour un homme qui saura où est la forêt, qui retrouvera l’endroit, qui saura allumer le feu et qui dira la prière. "

 

 

Le silence

Plus ou moins étrangers à notre propre culture, nous peinons à nous situer dans une lignée. Et le flot d'informations que nous absorbons au quotidien, souvent confondu avec la transmission, n'y changera presque rien. La science et la technique sont insuffisantes à exprimer l’énigme de nos vies en faisant semblant que oui. Et l'économie sans aucun scrupule a envahi le champ des émotions et de la spiritualité. Comment accéder à notre intériorité quand c'est le bruit qui domine dehors et que le vide est comblé à nous rendre malades ? Reste le silence. La création commence quand le silence se fait, comme un climat de grâce. Le langage doit apprendre non seulement à se réformer, mais à démissionner. Il doit écouter le silence, apprendre à recevoir de lui sinon l’insensé reprendra toujours le dessus. Dans le dialogue, les silences participent au sens de la phrase. Il existe des qualités de silences différents. Notre conscience naît avec le langage, cependant tant de choses dépassent ce que l’on peut dire. Le silence révèle l’essentiel, chant d'amour, il arme contre l’inertie et la haine.

 

 

La parole

Chacun est appelé à trouver sa place dans cette histoire à la fois proche et lointaine, universelle et singulière. Mais aussi à condition de la raconter avec toute la saveur du monde au travers à la fois de ses événements heureux et malheureux, y compris de ses pages les plus sombres. Quelles sont mes racines ? défauts et qualités mêlés ? Si l’on n’en parle pas, il arrive souvent que notre vie se vive à notre insu et se répète. Si longtemps et si tragiquement parfois qu’il faut plus d’une génération pour remonter le courant. Délivrer un bout de cette histoire, c’est offrir à l’autre la possibilité de changer et peut-être de mieux incarner sa vie. Par sa quête de la vérité, sa lutte contre les préjugés, la transmission humanise les êtres. C’est en partie grâce à ces voix de poètes, de philosophes, de mystiques, de sages, de tous les âges, que se forge l’esprit critique et s’élève la conscience, et avec elle la confiance, en soi et dans le monde. Une confiance qui n’exclut ni l’angoisse ni le vertige devant le gouffre.

 

 

L’écoute

En harmonie avec la parole, au cœur de la transmission, il y a l’écoute. Autant celle de ses propres mots (ce qui ne veut pas dire s’écouter parler) que celle des mots de l’autre. L’écoute demande du temps, et plus qu’une relation de qualité, une proximité d’âme qui n’est pas sans limites. Rien ne peut arriver sans quelqu’un qui désire transmettre et quelqu’un qui désire recevoir un témoignage et se laisser transformer par lui. Comme les sentiments échappent à la raison, la transmission ne va pas sans risque. Les liens se tissent avec du fil de toutes les couleurs. Et les ombres qui se profilent parfois ne doivent pas empêcher l'échange, ces liens étant le plus souvent libérateurs. La parole vivante se reconnaît. Elle rentre par l’oreille, se dirige vers le cœur, donne des ailes et passe au-delà de soi.

 

 

Dans un livre

C'est une réponse possible, un livre, on peut le lire, le prêter,  l'arrêter,  le donner, le relire, un livre est palpable comme une poignée de main, c’est un objet de contact, émotionnel, sensoriel, vivant, intime et ouvert sur les autres, une trace qui reste, un repère dans le temps, un amant, un ami, une aide, un guide. Un livre, c'est un objet qui nous transforme en sujet. Mais ce n'est pas le cas de tous les livres. " A qui servent les livres s'ils ne ramènent pas vers la vie, s'ils ne parviennent pas à nous faire boire avec plus d'avidité ? " Henry Miller

 

 

 

 

 

 

 

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